Raconte-moi une histoire: La vie de Bouddha
– Aujourd’hui, Kevin, je vais te raconter une jolie histoire.
– Une jolie histoire? Et pourquoi pas un conte de fée tant qu’on y est? J’ai 10 ans, à la fin! Je suis plus un enfant!
– Les jolies histoires, Kevin, point besoin d’être un enfant pour les apprécier. Ferme juste les yeux et laisse-toi aller.
– Pfff… Bon, ok…
Il était une fois, 600 ans avant notre ère, l’épouse du roi Suddhodana qui s’apprête à mettre au monde son premier bébé. Elle saisit la branche d’un arbre et, sans aucun effort, délivre l’enfant. À peine né, celui-ci se met debout, fait sept pas vers le nord et déclare à qui peut l’entendre: « Ceci est ma dernière naissance ». Le nouveau-né est nommé Siddharta.
Une multitude de fleurs de lotus éclosent tout autour de lui, comme si toute la Nature se concertait pour louer la naissance de l’enfant. Siddharta semble promis à un destin exceptionnel. Asita, un voyant renommé de la région, rend visite au jeune Prince. Sa prédiction ne fait plus planer aucun doute: il deviendra le plus grand des hommes. Et Asita d’éclater en sanglots, regrettant d’être trop vieux pour pouvoir assister à son destin merveilleux.
Les années passent et l’enfant grandit dans une prison dorée. Son père le roi interdit à quiconque de lui parler des malheurs à l’extérieur du palais. Tous les vieux, les souffreteux, les laids sont chassés du Palais royal. Le jeune Prince grandit à l’abri de tous besoins, de toutes contrariétés. Le soleil chauffe-t-il un peu trop sa peau fragile? Un serviteur accourt lui faire de l’ombre. Un peu trop de poussière volette-t-elle dans les airs? On déploie une étoffe pour le mettre à l’abri du vent. Le petit Prince ne connaît donc ni la maladie, ni la vieillesse, ni la souffrance, et encore moins la mort. Son père le Roi espère ainsi le détourner de la prophétie d’Asita: comment pourrait-il s’élever spirituellement s’il ne connaît rien du malheur?
Le plan du roi semble fonctionner à merveille: Siddharta se révèle être un élève incroyablement doué. Il excelle dans tous les domaines, du maniement des armes à la musique en passant par la peinture et la poésie. Le roi ne pouvait espérer mieux. Cet enfant-prodige est son digne successeur, et nul doute qu’il fera un souverain exceptionnel! Mais la prédiction sibylline du devin plane encore dans l’esprit du monarque, et c’est avec horreur qu’il découvre son fils de plus en plus souvent plongé dans une profonde méditation.
À 16 ans, là où les autres adolescents s’essayent à l’art subtil de la séduction, Siddharta, lui, passe des heures à réfléchir sur le sens de la vie et de sa propre existence.
– Fiston, remue-toi un peu! Qu’espères-tu trouver ainsi, seul dans ta chambre? Goûte donc aux plaisirs que la vie t’accorde!
– Père, rien ne me ferait plus plaisir que de partir à la découverte du Monde.
– Mais enfin, ta vie est ici, Siddharta! Je te présente toutes les plus belles princesses du Royaume. Que ne te décides-tu ? Qu’attends-tu pour devenir enfin un homme?
Et Siddharta de se replonger dans ses méditations. Et le roi de se replonger dans ses noires pensées.
Un beau jour, néanmoins, le miracle se produit. La princesse Yasodhara lui est présentée et Siddharta tombe instantanément amoureux d’elle. Signe du destin, les deux amoureux sont nés le même jour…
Enfin marié, le jeune homme découvre les plaisirs du corps et de la sensualité. Bien vite, le ventre de Yasodhara s’arrondit. Le roi exulte! Il pense avoir enfin réussi à mettre son fils sur la bonne voie. Le nouveau-né est prénommé Rahula, « l’empêchement ». Le message est on ne peut plus clair… Mais cette naissance qui s’annonce ne change en rien le destin de Siddharta.
– Ah ah ah! Ça y est, ce jeune fou est enfin rentré dans le rang!
– Détrompez-vous votre altesse. Ses questions auprès de son entourage se font de plus en plus pressantes.
– Des questions? Mais… quelles questions?
– Siddharta a eu l’occasion de croiser à différentes reprises des vieillards, des malades, même des moines errants. Ça lui a fait un choc, lui pour qui le concept-même de vieillesse et de maladie était inconnu.
– Mais qu’il aille au Diable avec ses questions! Que suis-je censé faire?
– Je suggère à votre altesse d’augmenter la fréquence et l’intensité des festivités et des plaisirs dans le Palais. Peut-être cela détournera-t-il le Prince de ses questionnements?
– Très bien, très bien… Faisons cela.
Le Prince Siddharta se rasant la tête – Bas-relief dans un temple de Borobudur. Source: Gunkarta
Mais nulle fête, nul lupanar, ne peut détourner les pensées profondes de Siddharta. Un beau jour, alors âgé de 30 ans, le Prince franchit le cap. Il enfourche un cheval et s’enfuit au triple galop loin, loin, loin de cette prison dorée qui l’oppresse. Enfin seul, il quitte ses vêtements princiers et se rase les cheveux. Il entreprend un long voyage initiatique vers le Gange où, dit-on, il trouvera le berceau de la spiritualité.
– La route vers l’Éveil est encore longue pour le Seigneur de Siddharta. Parviendra-t-il à trouver la Voie et à réaliser son destin? Son père le laissera-t-il s’écarter ainsi du chemin du trône? Tu sauras tout demain, Kevin!
– Quoi? Mais tu peux pas me faire ça! La suite, tout de suite!
– Tiens, je vois que tu commences à prendre goût aux jolies histoires, toi aussi. Allez, il est tard, maintenant. File te coucher.
– Pfff…
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Djinnzz
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Quelle bonne idée cette nouvelle rubrique conte. Vous nous prouvez tout votre talent de narrateur, une nouvelle fois.
Vous avez raison, les contes ne sont pas réservés aux enfants, et nombre d’adultes devrait en lire plus souvent pour retrouver leur âme d’enfant, justement.
Récit magnifiquement écrit.
Comme Kevin, j’ai hâte de lire la suite.
Si j’ai bien tout compris, Siddharta, en fait, c’est lui qui va devenir Bouddha, c’est bien ça?
En tout cas, je suis fan de toi, Djinnz. Es-tu célibataire? Veux-tu m’épouser? 😀
Merci Amande pour votre commentaire qui me va droit au coeur.
Carrie, c’est sûrement la demande en mariage la plus directe que j’aurai dans toute ma vie…
C’est à la fois très gentil et très flippant! 😆
Et bien on sera deux comme ça!
Preums, je veux l’épouser en première. *_*
*sort*