Aujourd’hui, si je te parle de patrimoine, Kevin, tu me dis : « Ah oui, ces fameuses journées où tout le monde veut visiter l’Elysée! »

Pour toi, c’est normal de conserver des monuments et d’aller les visiter en famille après le repas dominical, histoire de t’aérer. Eh bien, sache que la notion de patrimoine est récente… et n’est pas née tout armée du crâne de Jupiter (ça c’est une autre histoire, va voir comment est née Athéna et tu n’oseras plus jamais te plaindre de maux de tête!).

D’où vient cette idée étrange de garder des vieux trucs?

Bien sûr, on ne jette pas le vase hérité de sa grand-mère: c’est une partie du patrimoine familial, un objet qui a une valeur esthétique. Car le patrimoine, avant tout, est lié à la notion d’héritage et de transmission. C’est quelque chose que l’on veut conserver, qui a une histoire et que l’on veut transmettre.

On a depuis longtemps l’idée de conserver les œuvres d’arts, les reliques et les objets merveilleux. L’idée de collection est très présente à la Renaissance et d’elle découle l’idée du musée… Mais conserver des bâtiments, quelle drôle d’idée!

Ce n’est pas évident de vouloir conserver un monument dans son état d’origine. Chacun veut apporter sa touche ou faire des économies: et que je détruis l’escalier des ambassadeurs à Versailles pour agrandir la chambre de fifille, et que je rase les bâtiments qui se dégradent comme la rotonde des Valois à Saint-Denis. Bref, on n’embauche pas beaucoup de restaurateurs sous l’Ancien Régime.

Il y a bien quelques obstinés qui râlent contre ces dégradations, réclament qu’on fasse une enquête avant la démolition et qu’un dessin du lieu soit exécuté: Gaignières, Montfaucon et Quatremère de Quincy par exemple.

Mais qui les entend?

C’est au plus fort des destructions qu’on se pose des questions. Pendant la Révolution, les biens du clergé et de l’aristocratie sont confisqués et souvent vendus. Les symboles de la monarchie sont pillés, fondus, grattés, abattus. Pense qu’on va jusqu’à profaner les tombes de la basilique Saint-Denis!

Violation des caveaux royaux de Saint-Denis, par Hubert Robert (huile sur toile au Musée Carnavalet)

Des voix émergent: l’Abbé Grégoire dénonce le vandalisme des révolutionnaires et appelle à plus de modération. Alexandre Lenoir récupère des bouts de monuments et de sculptures qu’il présente au Petits-Augustins. Et quelques savants dans leur coin se mettent à faire de petits inventaires locaux.

Je t’ai perdu? Alors, l’abbé Grégoire, c’est un jésuite, qui crée le terme de « vandalisme » et dénonce les destructions des monuments français.

Et Alexandre Lenoir expose des statues dans le premier musée des monuments français. Il les classe de façon chronologique. Mais il n’est pas toujours très fiable: il n’hésite pas à rassembler en un même monument des sculptures de provenances différentes. Cela dit, pendant ce temps-là, les objets sont conservés!

Mais ce n’est que sous Louis-Philippe que l’administration se sent concernée par ces monuments historiques… Guizot, ministre de l’intérieur, crée le poste d’inspecteur général des monuments historiques: c’est d’abord Vitet puis Mérimée (lui, tu en as entendu parler, c’est l’auteur de Carmen).

Cet homme se voit confier une mission de Titan: il se promène dans toute la France, fait des listes de lieux, des petits dessins… Et il remonte à Paris signaler régulièrement ce qu’il a trouvé: « Tiens, cette caserne délabrée, ce ne serait pas le Palais des Papes ? » ou « Oh, la belle basilique, dommage qu’elle se casse la figure », dit Mérimée en découvrant Vézelay.

Timbre à l’effigie de Prosper Mérimée

Du coup, on se dit que c’est bien joli d’avoir des monuments mais qu’il faudrait savoir les garder. L’Etat fait appel à des architectes qui réalisent des restaurations. Le plus connu: Viollet-le-Duc qui soigne Notre-Dame de Paris ou Carcassonne. Enfin, soigne… reconstruit selon son idée, mais c’est une autre histoire.

Depuis, on fait beaucoup de listes et quelques lois:

En 1913, une loi permet de classer les monuments publics et privés. Et ça c’est fou parce que ça touche quand même pas mal à la propriété privée.

En 1943, une nouvelle loi protège les abords des monuments historiques. En gros, 500m autour du lieu, c’est pas touche!

Et ça continue avec la protection de secteurs entiers et la création du ministère de la culture. Tu as dû entendre parler de Malraux, non ?

Et la notion de patrimoine ne cesse de s’élargir: patrimoine industriel, petit patrimoine rural, patrimoine immatériel… Et d’intéresser des secteurs variés: la culture, le tourisme, l’économie…

Malgré tout, on continue toujours à détruire des monuments et des associations se créent constamment pour leur sauvegarde.

Alors Kevin, pars à la découverte de la France!