Nos deux premiers concurrents, Akhenaton et Toutankhamon, n’ont pas vraiment brillé par leur intelligence politique… L’un s’est mis à dos le puissant clergé d’Amon et a failli faire sombrer son royaume dans la guerre civile, l’autre a tenté de réparer les erreurs du premier… mais meurt bien trop jeune (à peine 18 ans) pour accomplir de grandes choses. Disons-le tout net, ces deux-là ne méritent certainement pas leur place au Panthéon des grands hommes!

Concurrent N°3 – Ramsès II (règne de 1279 à 1213 av. J.-C.)

Notre troisième concurrent en lice a-t-il quant à lui mérité sa place de pharaon le plus célèbre de l’Égypte antique? Un bref aperçu des actions de Ramsès II nous fait comprendre qu’on tient ici un sérieux candidat pour le titre de plus grand Pharaon de l’Égypte antique. Durant son règne de plus de 66 ans, il combat à la tête de son immense armée les puissants Hittites au cours d’une vingtaine de campagnes militaires, fait construire des statues, des obélisques et des temples somptueux aux quatre coins du Royaume (l’obélisque de la place de la Concorde à Paris, c’est lui. La classe.).

Ramsès II, Pharaon guerrier

Durant les premières années de son règne Ramsès II transfère les organes du pouvoir royal de la Haute Égypte (Louxor) vers la Basse Égypte et fonde la ville de Pi-Ramsès à l’Est du delta du Nil. Le but? Se rapprocher de la frontière nord du pays, là ou se pressent ses plus redoutables ennemis, les Hittites. Face au conflit qui se prépare Égyptiens et Hittites, les deux grandes super-puissances de l’époque, un royaume n’en mène pas bien large… il s’agit de l’Amurru, un État-vassal des Hittites situé grosso modo au niveau de l’actuel Liban. Sous la pression militaire de Ramsès II, l’Amurru est contrainte de changer de camp et passe sous domination égyptienne. Ce qui ne plaît pas, mais alors pas du tout, au roi des Hittites, le grand et fier Mouwatalli. Sa réaction ne se fait pas attendre! Pour soumettre son ancien vassal, il lève une énorme armée et se tient prêt à en découdre avec son rival égyptien.

Le point de rencontre des deux armées ennemies a lieu au niveau de la ville fortifiée de Qadesh. Retranchés dans la citadelle, les Hittites doivent supporter un siège de l’armée adverse. Mais, sûr de sa victoire, Ramsès II ne prend pas toutes les précautions qui s’imposent et fait l’erreur stratégique de scinder son armée en deux. Les Hittites en profitent pour charger dans les rangs égyptiens et parviennent à les mettre en déroute. Branle-bas de combat!

Le Moyen-Orient au temps de Ramsès II

Isolés du reste de son armée, Ramsès II et sa garde rapprochée ne peuvent plus compter que sur la chance et sur l’arrivée providentielle d’une armée de réserve restée en retrait. Pour la première fois de sa vie, Ramsès II a peur. Encerclé par les ennemis, il prie très fort Isis, Osiris, Amon, Horus et tout le tintouin. Et il faut croire que les Dieux l’ont entendu puisque l’armée de réserve arrive très vite sur les lieux… Ouf! Les Hittites sont repoussés et la bataille s’achève sur un match nul. Ramsès revient de loin, c’est sûr, mais son orgueil en a par contre pris un sacré coup, lui qui se voyait déjà avec Mouwatalli rampant à ses pieds pour lui implorer de lui laisser la vie sauve… Au final, chacun rentre chez soi clamant haut et fort qu’il a foutu une raclée à l’autre et s’attribuant les mérites d’une victoire écrasante. Eh oui, la manipulation des médias n’est pas propre à notre époque!

Ramses II sur son char, à la tête de son armée

On s’en doute, la bataille de Qadesh ne signe pas l’arrêt des hostilités. Mais on assiste à un équilibre des forces quasi parfait entre les deux puissances, et ni le roi hittite ni le pharaon égyptien n’oseront de sitôt s’attaquer à son rival… Quelques années plus tard, pourtant, c’est Ramsès II qui rompt le statu quo en envahissant le pays de Canaan (l’actuelle Israël) et en soumettant de petits États indépendants. Il profite alors de la mort du roi Mouwatalli pour tenter une incursion jusqu’aux frontières du pays hittite… Hattousili III, le nouveau roi, apprécie moyennement une telle provocation et revoilà les deux puissances prêtent à en (re)découdre, une dizaine d’années à peine après la bataille indécise de Qadesh!

Tels deux collégiens voulant prouver à l’autre qu’il a la plus grosse, Ramsès II et Hattousili III se lancent dans des démonstrations de force. Mais ni l’un ni l’autre n’osent toujours prendre le risque d’une bataille rangée à l’issue par trop incertaine.

Après plusieurs années de relations explosives, les deux belligérants comprennent que, faute de pouvoir se débarrasser de leur ennemi sur le champ de bataille, il va bien falloir apprendre à vivre avec… Preuve d’un ouverture d’esprit et d’une intelligence politique remarquables, Hattousili fait le premier pas et propose à Ramsès un traité de paix et d’assistance réciproque! Voilà nos deux loustics qui, hier encore, se menaient une guerre sans merci, devenus amis pour la vie! Pour sceller leur accord, Ramsès II ira même jusqu’à épouser la propre fille d’Hattousili. En 1259 avant Jésus-Christ, la guerre entre Hittites et Égyptiens est enfin terminée.

Ramsès II, Pharaon bâtisseur

L’intérêt, quand on est pharaon et qu’on règne 66 ans sur un pays, c’est qu’on a le temps de construire des monuments et des temples grandioses un peu partout. Abou Simbel, Karnak, Louxor,… tous les grands sites culturels y passent. Clou du spectacle: les fameux « colosses » de Ramsès II à l’entrée du temple d’Abou Simbel de plus de 20 mètres de hauteur! Comme tout cela ne lui suffit pas, il fait également remplacer le nom de ses prédécesseurs sur certains monuments, s’appropriant ainsi leur paternité. Et ça, c’est pas joli joli…

Les colosses de Ramses II, temple d’Abou Simbel

Ramsès II, Pharaon antisémite?

Jusqu’à maintenant, aucune ombre au tableau: Ramsès II se montre à la fois brillant chef de guerre (bataille de Qadesh), fin tacticien politique (traité de paix avec les Hittites), respectueux des traditions et ne regarde pas à la dépense quand il s’agit d’élever un monument somptueux à la gloire des Dieux.

Mais une rumeur vient quelque peu ternir ce bilan sans faille. Ramsès II est assimilé par un grand nombre d’historiens au « pharaon » cité dans la Bible contre lequel a lutté Moïse pendant l’Exode. Même s’il n’est jamais explicitement nommé dans l’Ancien Testament, certains éléments concordent… notamment l’existence avérée d’un certain Ben Azen, un haut fonctionnaire d’origine sémite intervenu dans un conflit entre des nomades et le pouvoir royal. De là à l’identifier à Moïse, il n’y a qu’un pas que certains s’empressent de franchir!

Le peuple juif en esclavage, le massacre des enfants, les eaux de la mer Rouge qui se referment sur l’armée royale,… Tous ces événements se sont-ils produits sous Ramsès II? Si vous voulez mon avis, la vraie question serait plutôt, tous ces événements se sont-ils produits tout court? En attendant, si vous le voulez bien, ne répandons pas une rumeur sans fondements et considérons que Ramsès II n’a rien à voir avec le pharaon têtu et obstiné de la Bible!

La momie de Ramses II – C’est sûr, passer 3000 ans sans voir la lumière du soleil n’aide pas à avoir une bonne mine!

En Bref

Troisième pharaon de la XIXe dynastie fondée par Ramsès Ier, Ramsès II mérite réellement de figurer sur le podium des pharaons les plus prestigieux de l’Égypte antique. Pharaon bâtisseur, son règne de 66 ans (plus de la moitié de la durée de la XIXe dynastie) lui permit d’embellir son royaume par des constructions grandioses. En voilà enfin un qui n’a pas usurpé sa popularité! Revers de la médaille, il ne reste plus grand chose de sa tombe, la KV17 de la Vallée des Rois, qui fut pillée dès la fin du Nouvel Empire puis subit les ravages du temps. Pas de bol, mais, que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir!

Verdict de la rédaction: enfin un Pharaon qui en a dans le pantalon!