Le Vol de l’Aigle, ou le retour triomphal de Napoléon
En avril 1814, Napoléon est contraint à l’abdication. Alors que l’Europe entière est contre lui et que ses généraux l’ont abandonné (le maréchal Ney le premier), il tente de négocier tant bien que mal son départ… En hommage à la grandeur de l’ex-empereur, il lui est accordé la souveraineté de l’île d’Elbe, un petit rocher au large de la Toscane, ainsi qu’un « dédommagement » de 2 millions de francs. Le traité de Fontainebleau est ainsi signé le 11 avril 1814.
Mais un bout de terrain d’à peine 200 km² est loin de satisfaire la mégalomanie de Napoléon, qui se voyait déjà quelques mois auparavant comme le maître du monde… Qui plus est, il découvre que Louis XVIII n’a guère l’intention de respecter l’accord de Fontainebleau! Des deux millions de francs promis, Napoléon n’en verra jamais la couleur. Pire! Lors du congrès de Vienne (sorte de conférence de Yalta durant lequel les pays vainqueurs des guerres napoléoniennes tentent de se mettre d’accord sur le partage de l’Europe), il est question d’exiler Napoléon sur l’île de Sainte-Hélène!
L’ex-empereur n’est pas homme à remettre son destin dans les mains de ses ennemis… On comprend donc pourquoi il tente un retour triomphal sur le devant de la scène politique, retour qui restera gravé dans l’Histoire comme les « Cent-Jours », terme popularisé par Chateaubriand dans ses Mémoires d’Outre-Tombe.
Débarquement de Napoléon à la Baye de Juan près d’Antibes, Carl-Heinrich RAHL
Cette épopée commence le 1er mars 1815 à Vallauris, petit village de la côte d’Azur. Napoléon y débarque accompagné d’une poignée d’hommes et doit maintenant rallier la capitale au plus vite. Pour éviter de traverser la Provence réputée royaliste, il décide de couper à travers les Alpes, via la route qui porte désormais son nom.
Son ami le plus fidèle (quoiqu’un peu grossier parfois!), Cambronne, le précède de quelques heures et organise son arrivée dans les villes et villages sur le chemin. Partout, l’annonce du retour de l’Empereur déclenche un énorme élan de ferveur populaire!
Mais bientôt se dresse le premier vrai obstacle: Grenoble.
Les généraux fidèles à Louis XVIII sont bien décidés à mettre un terme à ce retour triomphal. C’est à Laffrey, petite ville de montagne à quelques kilomètres au sud de la capitale des Alpes, que les troupes royalistes et impériales se font face pour la première fois. La consigne de Napoléon est on ne peut plus claire: interdiction formelle de tirer le moindre coup de feu! Son retour à Paris sera pacifique ou ne sera pas.
S’avançant vers l’ennemi, seul, Napoléon ne manque ni de courage ni de panache. Le voilà qui s’écrie:
– Soldats du 5è! Me voilà! Je suis votre Empereur! Me reconnaissez-vous?
Un silence de plomb s’installe sur la plaine. La crispation est à son comble. Un seul coup de feu, un seul cri, un seul geste, et s’en est fini des rêves de reconquête. Ouvrant sa redingote pour parfaire sa mise en scène, il continue:
– S’il en est parmi vous qui veuille tuer son Empereur, me voilà!
En cet instant crucial, tout peut encore basculer. Les soldats, crispés sur leurs fusils, commencent à douter et à regarder leurs voisins. Comment réagir? Bientôt, c’est la délivrance. Les premiers cris de joie fusent:
– Vive Napoléon! Vive notre empereur!
Et c’est donc en héros que Napoléon franchit les portes de la ville de Grenoble. L’occasion pour lui de prononcer ces paroles qui resteront à jamais gravées dans l’Histoire de France, le 7 mars 1815: « Avant Grenoble, j’étais aventurier. À Grenoble, j’étais Prince ».
Avant Grenoble, j’étais aventurier… – Plaque commémorative grenobloise
Napoléon vient de gagner une grande bataille, certes, mais il n’a pas encore gagné la guerre! Bientôt, un danger autrement plus terrible se profile à l’horizon: les troupes de Ney, son ancien maréchal, qui a promis à Louis XVIII de ramener le petit caporal « dans une cage en fer ». On l’a vu dans l’article consacré au maréchal Ney, celui-ci finit par changer de camp une nouvelle fois et rallie la cause de Napoléon.
Cette fois, Napoléon peut franchir sans crainte les portes de Paris. 20 jours, c’est le temps qu’il lui aura fallu pour traverser la France et provoquer la ferveur de la Nation. Espérons qu’il ait profité au maximum de cette période bénie car, d’ici quelques semaines, se profile un combat autrement plus sanglant: la bataille de Waterloo. Mais ça, c’est une autre histoire…
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Ah… Pour une fois, j’ai rien appris dans cet article. Mais c’est tout de même un plaisir de le lire pour se rafraîchir un peu la mémoire.
Bien vu le parallèle entre la conférence de Yalta et le Congrès de Vienne. J’aime bien mettre en perspective des événements qui se sont déroulés dans des périodes différentes. On se rend compte facilement grâce à ça de la perspicacité du dicton « l’histoire est un éternel recommencement ».
Votre site devrait être rendu obligatoire par l’Education Nationale et devrait être lu par tous ces lycéens incultes qui n’apprennent rien à rien à l’école (ou, du moins, qui n’y retiennent rien…)
Parlez donc de Napoléon, de Louis XVIII ou de Charles X à un bachelier et vous verrez que j’ai raison!
« devrait être lu par tous ces lycéens incultes qui n’apprennent rien à rien à l’école (ou, du moins, qui n’y retiennent rien…) »
Tout n’est pas à mettre sur le dos des collégiens/lycéens, ma fille est en 1ere, et en histoire, ils étudient pour la 3ème année consécutive la 1ère guerre mondiale… Des pans entiers de l’histoire, qu’elle soit nationale ou mondiale, sont occultés dans l’Education Nationale, et on s’acharne obstinément sur certaines périodes…
Concernant Cambronne, brièvement cité dans cet article pour être un peu « grossier », il faut rétablir la vérité.
Lors de la bataille de Waterloo, il aurait répondu « Merde! » aux Anglais qui lui demandaient de se rendre.
En réalité, il a toujours nié avoir prononcé un tel juron. D’autres prétendent qu’il aurait plutôt dit « La Garde meurt mais ne se rend pas! », ce qui est plutôt illogique puisque Cambronne n’est pas mort et s’est finalement rendu…
C’est Victor Hugo qui a contribué à diffuser cette contre-vérité historique dans son roman Les Misérables. Néanmoins, cela n’est pas très grave et cela a permis à Sacha Guitry d’écrire une très belle pièce de théâtre en vers sur ce thème.
Histomanie veille au grain!
« avec une poignée d’hommes »?!
Moi, je veux bien… Napoléon débarque quand même à Golfe-Juan avec 600 hommes et 4 canons. C’est beaucoup pour une simple « poignée d’hommes »! Non?