L’Histoire de France en 10 minutes chrono 4
Deux rois pour une couronne… A la mort de Charles IV, le trône de France se retrouve sans héritier. Deux candidats se portent alors volontaires pour s’emparer du pouvoir: Philippe VI, cousin du roi défunt, et Édouard III, petit-fils de Philippe le Bel et accessoirement roi d’Angleterre. [lire la partie 3: De Saint-Louis au début de la Guerre de 100 ans]
Sortez les pop-corn, le carnage va commencer…
Les chevaliers français contre les longbow anglais
Édouard III débarque sur le continent (en Flandre, précisément), pour chasser du trône Philippe VI qu’il considère comme un usurpateur. Les hostilités commencent près de Bruges, lors de la bataille de l’Écluse, où toute la flotte française est détruite avant même d’avoir pu combattre. Un chef de guerre français avait eu la bonne idée de lier tous les bateaux entre eux… Voilà l’Angleterre maintenant maîtresse de la mer.
Fort de ce premier succès retentissant, Édouard III débarque maintenant en Normandie (1346), contourne Paris et prend la direction du Nord de la France. Il est talonné de près par les troupes de Philippe VI qui finissent par le rattraper à Crécy, dans la Somme.
Ce sont deux conceptions de la guerre qui s’affrontent. Les chevaliers français, en quête de gloire, recherchent avant tout à réaliser un fait d’armes exceptionnel qui assurera la postérité et la renommée de leur famille. Ne leur parlez pas de tactique, de discipline, de respect de la hiérarchie. Eux n’en ont cure et sont prêts à trucider leur voisin pour s’assurer une première place sur le champ de bataille et foncer à vive allure sur les rangs ennemis l’arme à la main.
« Dans les rangs de la Perfide Albion, on ne se bat pas pour l’honneur, on se bat pour gagner! »
Les anglais ont une vision beaucoup moins « moyen-âgeuse » de l’art de la guerre. Dans les rangs de la Perfide Albion, on ne se bat pas pour l’honneur, on se bat pour gagner! Édouard III mise pour cela sur des archers exceptionnels qu’il recrute parmi la population de son royaume. Le champ de bataille n’est pas réservé aux nobles!
Nul besoin de préciser que les Français, une nouvelle fois, se feront décimer à Crécy…
Les Anglais continuent donc leur périple qui les amène aux portes de la ville de Calais. Devant cette accumulation de debâcles, les chroniqueurs du temps jadis comme ceux d’aujourd’hui se consoleront comme ils peuvent en faisant des Bourgeois de Calais des héros au cœur pur se dressant fièrement contre l’envahisseur… La réalité historique est évidemment plus prosaïque! Quoi qu’il en soit, la ville de Calais restera anglaise pour les deux siècles à venir…
Philippe VI meurt en 1350. Son fils Jean II le Bon lui succède, mais ne sera hélas guère meilleur souverain.
1356: Nouvelle bataille, cette fois-ci à Poitiers, nouvelle défaite catastrophique. Le pire? Poitiers semble être la copie trait pour trait de la débâcle de Crécy… C’est le nouveau roi d’Angleterre, le Prince Noir (ce surnom à lui seul, cerne la personnalité du personnage…) qui dirige les hostilités. De cette déroute monumentale, les Français retiendront surtout l’exploit du prince Philippe, fils de Jean le Bon, qui ne ménage pas ses efforts (« Père, gardez-vous à droite, père, gardez-vous à gauche! »). Et Philippe de devenir ainsi Philippe « le Hardi ». Mouais…
À Crécy, le roi de France avait au moins eu l’intelligence de s’enfuir du champ de bataille avant qu’il ne soit trop tard. À Poitiers, Jean II le Boulet est fait prisonnier, emmené à Londres et ne sera libéré qu’au prix d’une lourde rançon…
Catastrophique, vous dis-je!
Le costume du médecin de peste, dont le « bec » est censé tenir à l’écart les miasmes de la maladie, ne sera inventé qu’au XVIIe siècle
Comme un malheur n’arrive jamais seul, un ennemi bien pire encore que les Anglais s’invite en France et dans toute l’Europe. Son nom? La peste noire. Plus de six ans qu’elle n’avait pas sévi en Europe, et la voilà qui débarque à Marseille en 1347, véhiculée par les puces de rats. Débarrassez-vous des rats, et l’épidémie de peste s’arrête aussitôt… Bien sûr, on n’en sait encore rien à l’époque et la bulle papale de 1233 faisant des chats noirs des créatures du Diable n’arrange pas les choses… Un siècle plus tard, le pape Innocent VII ordonne même qu’on intensifie la persécution des chats, alors même qu’ils auraient été le seul rempart contre la Peste. Dommage, les vingt millions de morts en Europe (soit près d’un habitant sur deux!) auraient peut-être pu être épargnés. Au lieu de ça, on accuse les Juifs d’être à l’origine de l’épidémie et d’empoisonner les puits. Des bûchers sont organisés dans tout le royaume. Les Voies du Seigneur sont impénétrables…
Jean Sans Peur, chef de file des Bourguignons
Le roi de France capturé par les Anglais, c’est son fils aîné qui doit gérer le royaume. Il est bien obligé d’augmenter les impôts de façon considérable pour payer la rançon royale… Partout seigneurs locaux et bourgeois se soulèvent, emmenés par un certain Charles de Navarre dont l’Histoire se souviendra comme de « Charles le Mauvais ». Le petit peuple n’est pas en reste! Accablée par le poids des impôts, subissant les rigueurs d’un climat froid et hostile (l’Europe traverse alors un mini-épisode glaciaire), la population prend les fourches et se retourne contre le pouvoir local. Leur révolte, la « Jacquerie », est matée dans le sang…
En 1360, le dauphin Charles conclut un traité de paix avec Edouard III, désastreux pour le royaume de France: certes, le roi anglais renonce à ses droits sur le trône de France, mais reçoit en compensation des provinces équivalentes à la moitié de la France actuelle… À la mort de son père, le dauphin devient Charles V le Sage et rattrapera tant bien que mal les erreurs passées. Aidé par son fidèle chevalier Bertrand du Guesclin, il reprend par la force les territoires cédés un peu plus tôt à l’Angleterre. Enfin une lueur d’espoir dans ce conflit interminable? Pas si sûr…
« Tout le monde doit bien se rendre à l’évidence: le roi Charles VI est fou. »
Quand Charles VI arrive sur le trône à la mort de son père (1380), les vrais problèmes vont commencer. Oh, il arrive bien à faire illusion les premières années de son règne mais, en 1392, quand il rentre dans un état de démence incontrôlable et qu’il tue quatre personnes de sa propre escorte, tout le monde doit bien se rendre à l’évidence: le roi est fou.
Deux clans vont alors se former: les Armagnacs (dirigé par Louis d’Orléans, le frère de Charles VI) et les Bourguignons (dirigé par Jean Sans Peur, fils de Philippe le Hardi, le « héros » de la bataille de Poitiers – souvenez-vous: « père gardez-vous à droite, etc »). Quand Jean Sans Peur fait assassiner Louis d’Orléans, c’est le dauphin, le futur Charles VII qui prend la tête du parti des Armagnacs. Puis Jean Sans Peur est à son tour assassiné, sous les yeux du dauphin!
La rupture est définitivement consommée: une haine mortelle et inextinguible va alors se former entre les deux clans. Une guerre civile éclate en France dont les Bourguignons sortent vainqueurs. Que s’empressent-ils de faire? Livrer la France à l’Angleterre! Le Traité de Troyes (1420) prévoit que le roi d’Angleterre hérite du trône de France à la mort de Charles VI le Fol!
Il faut dire que le roi anglais du moment, Henri V, sait mettre la situation à son profit. Il débarque à Harfleur en 1415 et réédite point par point la stratégie de son ancêtre Edouard III 70 ans plus tôt. Cette fois, la bataille finale n’a pas lieu à Crécy mais à Azincourt. Pourtant en supériorité numérique, les Français tombent une nouvelle fois dans le piège et se font massacrer par les archers anglais…
Réfugié à Bourges, le fils de Charles VI apprend avec impuissance la signature du honteux traité de Troyes: voilà que le trône de France vient de lui être subtilisé! Mais que peut-il y faire? Le nombre d’hommes qui lui sont restés fidèles se réduit comme peau de chagrin et déjà le sobriquet ridicule de « Petit roi de Bourges » circule dans tout le Royaume. Que faire? Que faire? À moins d’un miracle, la partie est perdue…
Représentation de Jeanne d’Arc, Cathédrale de Leicester (Angleterre)
Jeanne d’Arc, une bergère du fin fond de la France profonde, est d’abord prise pour une folle furieuse lorsqu’elle se présente au Dauphin. Mais, persuadée d’être dirigée par le Seigneur en personne, elle sait se montrer très convaincante… Et Charles lui accorde sa confiance en la mettant à la tête d’une petite armée pour aller délivrer Orléans des mains des Anglais. Après tout, au train où vont les choses, a-t-il vraiment quelque chose à perdre?
Et Jeanne parvient à délivrer Orléans! Mieux: en 1429, elle escorte Charles VII jusqu’à Reims où il se fait sacrer roi de France. Poursuivant la lutte contre l’envahisseur, elle se fait arrêter lors de la bataille de Compiègne par les Bourguignons, où l’abbé Cauchon s’occupe de son procès et la fait cuire sur le bûcher… Notons le courage de notre cher Charles VII qui n’a pas levé le petit doigt pour tenter de la sauver. C’est que Jeanne est devenue encombrante et le nouveau roi de France ne saurait partager sa gloire avec quiconque…
Le traité d’Arras de 1435 scelle enfin la paix entre la France et l’Angleterre. Le royaume de France appartient désormais en intégralité à Charles VII, hormis la ville de Calais qu’il laisse généreusement aux Anglais. La guerre de Cent ans est terminée, le pouvoir royal est renforcé: la France peut maintenant entrer dans une nouvelle ère…
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Avec vous, »cent ans » passent vite ! Je dois avouer que j’ai aussi lu rapidement et il me faudra relire cet article !
Comme vous avez dû le voir, Carie m’a expliqué »la Perfide Albion ».. Si »Albion » veut dire blanc, j’ai aussi compris »albinos » pour ceux qui ont les poils de la tête blancs très jeunes !!
Encore bravo tout de même.
Bonjour Eurosix!
C’est vrai que les années s’enchaînent à la vitesse de l’éclair… mais la route est encore longue jusqu’au XXIe siècle!
Et j’avais déjà traité pas mal de sujets dans des précédents articles (Crécy, les bourgeois de Calais, Charles V, Jeanne d’Arc,…), je ne voulais pas faire trop de redites.
J’avoue que je ne connaissais pas l’origine de l’expression la « perfide Albion ». Les explications données me semblent convaincantes!
On parle de moi? 🙂
#Fierté
Bonjour,
J’aimerais savoir à partir de quelle date on peut parler de « patriotisme » sans faire d’erreur. A partir de quand les gens avaient-ils conscience d’appartenir à une nation?
Merci pour cotre réponse.
Bonjour,
La question est excellente, et la réponse pas si facile!
Au début de la guerre de 100 ans, les rois anglais sont de culture et de langue françaises. Ils passent, pour la plupart, plus de temps de leur vie sur le sol français qu’en Angleterre (qu’on se souvienne de l’amitié entre Philippe Auguste et Richard Coeur de Lion, ce dernier ayant été élevé à Poitiers).
Durant la guerre de Cent ans, ce ne sont donc pas deux « nationalités » qui s’affrontent comme on a trop souvent tendance à l’enseigner aujourd’hui. C’est simplement une guerre d’influence entre deux seigneurs qui souhaitent agrandir leurs possessions.
La France serait-elle devenue anglaise si elle avait perdu la guerre de 100 ans? Bien sûr que non! Il est même plutôt probable que, par un lent processus d’assimilation, ce soit l’Angleterre qui se serait « francisée »!
Quant à la population, que les soldats qui les harcèlent aient prêté allégeance à un roi ou à un autre, ce n’est pas vraiment ce qui les préoccupe…
A la fin de la guerre, au milieu du XVe, les choses seront (un peu) différentes. L’identité nationale (un terme fort à la mode dans les medias depuis 10 ans!) s’est affirmée et les rois d’Angleterre ne parlent plus français ni ne sont élevés en baignant dans la culture française.
C’est la naissance de la France et de l’Angleterre en temps que nations. Les deux pays doivent d’ailleurs à partir de maintenant communiquer en latin pour se comprendre… La fin d’une époque!
J’imagine qu’on peut donc établir l’acte de naissance du « patriotisme » et de « l’identité nationale » à partir du début du XVe siècle.
Néanmoins, vous trouverez des auteurs qui estime que c’est la bataille de Bouvines, en 1214, qui donne naissance à la France.
D’accord, merci pour votre réponse. J’ai bien fait de vous demander car de mon côté j’estimais que c’etait à compter de l’ordonnance de Villers-Cotterets signé par François Ier que le royaume de France était devenu la France telle qu’on la perçoit aujourd’hui.
Mais c’est donc en fait bien plus tôt que ça.
Merci encore, cela va m’être très utile pour un devoir que je suis en train de préparer.
HHI, vous êtes chanceux… J’ai posé à peu près la même question sur un autre article et je n’ai pas eu droit à la moindre réponse… 👿
Merci quand même…
Je suis d’accord avec Eurosix, c’est très voire trop rapide et on reste sur notre faim.
Ceux qui veulent plus d’infos, je vous conseille de lire ce site:
http://www.histoire-france.net/moyen/guerre-cent-ans
C’est un style plus consensuel, plus encyclopédique, moins fun à lire, mais également plus complet.
Voilà, en espérant que Djinnzz ne m’en voudra pas de faire de la pub pour un autre site…
Pas de soucis, il en faut pour tous les goûts 🙂
En même temps, quand le titre d’un article est l’Histoire de France en 10 minutes chrono, on peut s’attendre à ce que le sujet ne soit pas hyper-détaillé…
« Tout le monde doit bien se rendre à l’évidence: le roi Charles VII est fou. »
En l’écrivant plus gros, Charles VI a changé de numéro… 🙂
Oups… Corrigé, merci! 😉
Sans aucun doute un article extrêmement intéressant, tout comme l’ensemble de ce site d’ailleurs.
Vous atterrissez directement dans mes favoris…
Bonjour
« Le traité d’Arras de 1435 scelle enfin la paix entre la France et l’Angleterre…. La guerre de Cent ans est terminée »
Je croyais que la guerre de Cent ans avait pris fin à Castillon en 1453 . On m’aurait trompé ?!!