En cette matinée ensoleillée du 18 novembre 1307, Guillaume Tell se balade tranquillement avec son fils dans le village suisse d’Altdorf. Le nez au vent, il ne fait pas attention au manège auquel se livre tous les autres villageois: lorsqu’ils passent devant un poteau érigé sur la place principale du village, ceux-ci se courbent respectueusement… En réalité, au sommet du poteau trône le couvre-chef du seigneur local, le bailli Hermann Gessler. Ce dernier, vaniteux et tyrannique, terrorise la population et ordonne à quiconque passant devant son chapeau de le saluer comme il se doit, sous peine d’un terrible châtiment.

Et le pauvre Guillaume Tell, soit qu’il ignore cette coutume, soit qu’il veuille défier l’autorité, est très vite dénoncé par les autres habitants pour crime de lèse-majesté et se retrouve dès le lendemain devant Gessler. En guise de punition, le bailli lui impose un défi: percer à l’aide d’un carreau d’arbalète une pomme posée sur la tête de son fils. En cas d’échec, Guillaume Tell sera tout simplement condamné à mort…

Guillaume Tell visant la pomme placée sur la tête de son fils

Bien sûr, le héros suisse relève le défi avec brio et parvient à percer la pomme sans blesser son enfant. Le bailli remarque alors qu’une deuxième flèche est cachée dans le dos de Guillaume Tell. Ce dernier lui avoue que, s’il avait échoué à toucher la pomme, cette deuxième flèche était destinée à le tuer sur le champ. Devant de telles confessions, Gessler le fait immédiatement arrêter et le condamne à l’enfermement à perpétuité dans une geôle sordide.

Mais on est un héros dans l’âme ou on ne l’est pas! Guillaume Tell, parvient à fausser compagnie à ses gardes sur le chemin de la prison… avant de retrouver le bailli et de lui ficher une flèche en plein coeur!

Statue de Guillaume Tell et son fils à Altdorf – Richard Kissling, 1895.

Bien sûr, difficile de distinguer la réalité de la légende dans cette histoire et l’existence du héros n’a jamais pu être confirmée par les historiens – d’autant que les premiers écrits à propos de Guillaume Tell remonte à la fin du XVè siècle, soit presque deux siècles après le déroulement des faits! Toujours suivant la légende, d’ailleurs, cet épisode héroïque est à l’origine de la rébellion des cantons suisses contre le Saint-Empire romain germanique. La bataille de Morgarten se déroule en 1315: un gros millier de confédérés suisses repoussent trois à quatre fois plus de soldats ennemis menés par le duc Léopold Ier d’Autriche, chef de la famille des Habsbourg. Cette victoire écrasante signe l’acte de naissance de la Suisse.

Guillaume Tell rejoint donc Robin des Bois et le roi Arthur au rang des héros légendaires fondateurs d’une identité nationale. Quant à Gessler, dont l’existence est tout aussi hypothétique que celle de Guillaume Tell, son nom devient une sorte d’insulte: dans le parler populaire, un « Gessler » devient un tyran, un ennemi de la nation.